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  • chantalbielmannjam

Le fil de l’espoir


Il était une fois, dans un pays fort, fort lointain, une petite fille qui s’appelait Espérance. Toute sa vie, elle n’avait connu d’autre chose que la couture. Sa mère était couturière et elle avait transmis cette passion à sa fille.

Toutes deux vivaient isolées, loin de toute civilisation, dans une forêt difficile d’accès, et qui de ce fait était sujette à de nombreuses rumeurs. En effet, de vieilles légendes prétendaient qu’on y trouvait des arbres magiques, dont la cime dépassait les nuages, et des êtres fantastiques de toute taille et de toute couleur. Et bien qu’il ne s’agisse que de simples rumeurs, les avis étaient partagés : certains étaient époustouflés par tant de mystère, d’autres par contre étaient profondément effrayés par cette étrange forêt et n’auraient même pas songer à y mettre un pied.

Espérance ne comprenait absolument pas l’attitude de ces derniers : sa maison dans les bois était son endroit préféré au monde. Elle y était chez elle. Et jamais elle n’y avait vu ni licorne, ni lutin, ni arbre magique. Mais si elle était heureuse au cœur de sa forêt, si elle aimait tendrement sa mère, une chose pourtant l’attristait : la distance qui la séparait des villages alentour. Soit qu’ils fussent trop éloignés, soit qu’ils eussent peur de pénétrer dans la forêt enchantée, les enfants du voisinage ne venaient jamais la voir.

Pourtant, chose surprenante, de nombreux visiteurs se présentaient régulièrement à leur porte : ils venaient tous voir sa mère. La jeune fille ne comprenait pas cet engouement. Au moins une fois par semaine, par tous les temps, un nouvel inconnu débarquait chez eux, tout transpirant et pressé, avec une commande. La couturière se mettait aussitôt à l’ouvrage et ne quittait pas sa machine avant d’avoir satisfait son client. Elle travaillait sans relâche et chaque pièce nouvelle qu’elle confectionnait était plus réussie que la précédente. Espérance admirait sa mère, mais elle la suppliait aussi de se ménager, de moins travailler. Elle avait de la peine à la voir ainsi, courbée sur sa machine à longueur de journée.

Un jour de pluie, sa mère tomba mystérieusement malade... Espérance fit tout pour la sauver, en vain : le mal progressait vite et la pauvre femme finit par mourir. Attristée et révoltée, la jeune fille jeta un regard noir à la machine, désormais silencieuse. Elle décida que plus jamais elle n’y toucherait : elle était persuadée qu’elle était la cause de la disparition subite de sa chère maman.

Espérance se préparait à vivre seule désormais. Mais peu à peu, les visiteurs recommencèrent à frapper à sa porte. Ils voulaient passer commande : une écharpe pour celui-ci, un manteau pour celui-là... Cependant, Espérance ne changeait pas d’avis et refusait toute demande. Jusqu’au jour où un jeune homme se rendit chez elle... Tout essoufflé, il lui fit la requête de créer une couverture pour sa mère : il fallait qu’elle soit la plus chaude et la plus douce au monde. La jeune fille hésita jusqu’à ce que le garçon lui dise en la suppliant : «Ma mère est mourante. C’est elle qui m’envoie ici... C’est son dernier souhait !»

Oh, comme il lui fit pitié! Elle pensa à sa propre maman décédée et sans le vouloir, elle accepta. Elle descendit à la cave pour aller chercher la machine à coudre sur laquelle sa mère s’était si souvent penchée, sur laquelle elle lui avait appris à coudre. Elle tourna la clé dans la serrure et fut surprise par ce qu’elle vit : dans la pièce plongée dans le noir absolu, tout était recouvert d’une épaisse couche de poussière ; tout, sauf la machine à coudre, qui était toujours aussi blanche et brillante que du vivant de sa mère. Elle semblait attendre qu’on vienne la chercher, prête à piquer à nouveau les tissus.

Avant même que le soir ne tombe, la couverture était réalisée. Elle était la plus moelleuse, la plus chaude et la plus douce qu’on puisse imaginer. Le jeune homme partit aussitôt rejoindre sa génitrice et lui apporter le précieux cadeau. Depuis, Espérance ne cessa de penser à la demande de cette femme, au désespoir de ce jeune homme, et au sentiment qu’elle avait ressenti lorsqu’elle avait réalisé cette couverture. Elle ne s'était pas sentie aussi heureuse depuis la mort de sa maman.

Quelques couchers de soleil plus tard, le jeune homme vint lui faire une annonce : sa mère avait subitement guéri. C’était un vrai miracle ! C’est pourquoi, pour remercier Espérance, il voulait l’inviter à manger chez lui. Elle accepta. Lorsqu’ils arrivèrent tous deux au village, Espérance fut accueillie par une vague de remerciements et d’histoires tissées par sa mère tout au long des années. Là-bas, elle se rendit compte que les villageois idolâtraient sa mère. Pour eux, elle était la Porteuse du fil de l’espoir et en voyant Espérance, ils avaient l’impression qu’elle était à nouveau parmi eux. Ils étaient certains que les fils qu’elle cousait étaient faits de poils de licorne et de tiges d’arbres enchantés. Et que les ouvrages qu’elle réalisaient dans la forêt magique avaient la faculté de guérir les personnes qui les portaient.

Toutes ces informations étonnèrent fortement la jeune fille : elle savait que les fils utilisés par sa mère étaient des plus ordinaires. En revanche, elle se souvint qu’elle mettait un point d’honneur à ne jamais utiliser deux fois le même.

Et c’est en regardant les yeux luisants et émerveillés des villageois qu’elle comprit que l’espoir et la magie ne se trouvaient pas dans les fils cousus par sa mère, mais dans la foi et la croyance que les villageois avaient en eux. Espérance garda ses réflexions pour elle ; elle ne voulait pas détruire le bonheur de tous ces gens.

Mais cette révélation l’avait emplie de joie et de motivation: désormais, elle poursuivrait l’œuvre de sa mère, elle deviendrait à son tour la Porteuse du fil de l’Espoir... Elle continua donc à coudre dans sa forêt, qui finalement n’était pas si secrète que ça, mais qui était sûrement beaucoup plus magique qu’elle ne le croyait.


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